J’entrai au cours élémentaire. Je fus placé à côté de Vigoureux. Il était
deux fois plus grand et plus fort comme moi, brutal, sournois : j’en avais peur.
Le premier jour, on nous avait distribué des livres. Vigoureux d’autorité
s’était emparé de toute la pile, avait gardé les meilleurs et m’avait donné les
vieux, en me regardant d’un air menaçant… J’avais le coeur gros, moi qui étais
si soigneux de ms affaires, si jaloux de leur propreté.
Vigoureux copiait, je m’en étais tout de suite aperçu. Ma jeune honnêteté
considérait cela comme un crime. Lorsque nous faisions un devoir, son oeil rond
et terne plongeait effrontément su mon cahier. Je résistais. Je mettais ma main
sur la page fraîche d’encre. Il me donnait sournoisement un coup de coude et
cela faisait des tâches. Il ricanait. Il savait bien que je serais puni. A la
composition, il exigeait que je le laisse copier. Je résistais encore.
«Tu vas voir çà la récré», menaça-t-il.
Lorsqu’il s’aperçut que décidément, je ne me laisserais pas impressionner,
il employa un autre procédé. Rageusement, il se rencogna au bout de son banc,
se pencha sur son cahier encore un peu plus, poussa son cahier à l’extrême bord
de la table et tout à coup, leva la main, claqua furieusement les doigts et s’écria
avec indignation :
«Monsieur, Monsieur, il copie ! »
Le maître le crut. Je fus puni. Je pris conscience de l’injustice du monde.
Georges Le Sidaner
مشكووووووووووووووووووووووور
merci beaucoup